J'avais beaucoup aimé "Dans l'or du temps". Je mettais beaucoup d'espoir dans ce roman. Je n'ai pas été déçue.
Venise en janvier. Les rues sont désertes et la ville, livrée à la lagune et à ses habitants. Le silence est encore plus présent que d'habitude. Elle est seule, échouée là pour ne pas sombrer dans sa vie. C'est cette ville et les rencontres qu'elle va y faire qui vont la ramener à la vie.
L'écriture de Claudie Gallay est toujours aussi précise sans être impérieuse. Elle a fait renaître en moi cette vision de Venise, la première que j'ai eu, moi aussi en janvier. Mais je n'étais pas seule...
Des ponts, il y en a, mais pas tant que ça. Surtout des palais. Des gondoles aussi mais à quai à cause du froid.
San Marco. Je descends. La place, déserte. Immense parce que nue.
Les dalles mouillées comme s'il avait plu. L'eau suinte entre les pierres, autour, partout. C'est l'aqua alta, ce qui reste des montées de la nuit.
Au téléphone, Luigi m'a dit, après les deux lions de pierren vous prenez à gauche, les pancartes bleues Ospedale, vous n'aurez qu'à suivre.
Je cherche les lions. Quand je les trouve, je m'enfonce dans les ruelles.
Les roulettes de ma valise font un bruit d'enfer. Je dois la porter pour franchir les ponts. Il n'y a pas assez de pancartes. Ou alors c'est moi qui ne les voit pas. Dix fois je dois m'arrêter, demander mon chemin.
Huit heures. La valise m'a scié la main. J'entre dans un petit bistrot de rue. Toutes les tables sont prises. Je bois un café calée contre le comptoir.
A côté du sucre, une corbeille avec des brioches. J'en prends une. Au milieu de la brioche, il y a de la confiture. J'en prends une autre. Ca me calme d'avoir de la pate dans la bouche, cette impression de mâcher, de me bourrer. C'est comme ça depuis Trevor, j'avale plus que nécessaire. N'importe quoi.
Je reprends ma valise. C'est le matin, les boutiques ouvrent. Sur une place, un vendeur de légumes, des enfants avec des cartables, les mères qui suivent. Je les regarde, je me trompe de rue et je dois revenir sur mes pas. Je finis par arriver au Campo Santa Maria Formosa et de là, l'église San Giovanni e Paolo. La pension n'est plus très loin. Je sors l'adresse de ma poche, 6480 rue Brabaria delle Tolle, une lourde porte en bois vert avec en face un marchand de masques. Je remonte la rue.
Quand j'arrive devant la porte, je sonne.
La porte s'ouvre.
Derrière, un grand jardin entouré de murs. Tout au fond, la pension. L'ancien palais des Bragadin. La façade est recouverte d'un enduit rose. Vieux. Rongé. Du lierre sauvage s'agrippe au mur, des ronciers, et puis sur le devant, une glycine devenue presque arbre avec des branches qui retombent en tonnelles.
Une fontaine.
Des statues.
Un banc.
Tout en haut, à l'étage, une ombre passe. Elle reste immobile derrière la verrière et puis elle disparaît. Je remonte l'allée. J'entre dans le vestibule. Il fait sombre, humide. Le rio passe juste derrière. J'entends l'eau, le bruit d'un bateau à moteur.
J'avance.
Ca sent la brique, le plâtre nu.
Au bas de l'escalier, des gamelles à chats. Contre les murs, les traces de l'eau qui suinte. Je grimpe en tirant ma valise derrière moi. Il n'y a pas de lumière. Je monte sans rien voir. Après le premier palier, je distingue tout en haut une porte avec au-dessus, une petite veilleuse rouge. C'est là que je vais.
Les dernières marches sont recouvertes d'un tapis de laine élimé.
Je n'ai pas besoin de sonner, dès que j'arrive la porte s'ouvre.
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