J'ai une tendresse particulière pour Marie Desplechin. "Trop sensibles", "Sans moi", "Dragons" sont autant de romans qui m'ont touchés. Celui-ci est un peu particulier. Sans doute, à cause des illustrations d'Eric Lambé. Des textes courts. Et de ce portrait de femme qui se dessine. Car avouons-le: nous promenons toutes notre vie dans notre sac à main. Sinon, pourquoi en faire toute une histoire? Chaque femme est une mini-tortue avec une mini-maison à bout de bras. Les papiers, les clés de la maison mais aussi, les mouchoirs, les photos des enfants, du Prince Charmant, le carnet pour les idées qui foisonnent et les bons plans à noter, la trousse de secours (aspirine, gloss, crème pour les mains, etc..). La liste n'est pas exhaustive. Tous ces objets parlent de nos vies. Marie Desplechin sait très bien leur donner la parole.
Mais si ce recueil ressemble à un inventaire à la Prévert, laissez-vous surprendre par le chemin que prend l'histoire.
Un paquet de Kleenex
D'un rose conquérant, aux couleurs du grand magasin Tati, ce paquet m'a été offert par Denise Mathis, artiste contemporaine, qui est la compagne d'une amie à laquelle je suis liée depuis plus de quinze ans. Nous sortions d'un dîner chez des amis communs. Il avait plu. Le scooter de mon mari était couvert de gouttes d'eau larges comme des dragées (lorsque je sors avec Lars, il me transporte à l'arrière de son scooter). Denise Mathis qui, pour sa part, se préparait à partir avec sa compagne en quête d'un taxi, m'a tendu ce paquet de Kleenex. Je l'ai immédiatement ouvert (une petite languette autocollante tient fermé le rabat de la pochette) et j'en ai sorti un mouchoir qui m'a servi à éponger le siège du scooter. Ces mouchoirs sont solides et absorbants. J'ai essoré le mien pour qu'il serve à nouveau. Je tenais déjà à garder cette jolie pochette le plus longtemps possible. Parce qu'elle était jolie et parce qu'elle m'avait été donnée par quelqu'un dont je conserverais ainsi quelque temps le souvenir tout proche. Plus tôt dans la soirée, elle avait offert à nos hôtes un catalogue présentant ses derniers travaux, biscuits multicolores disposés en damier sur des pelouses, totems animaliers, signes religieux saisis dans le plexiglas... Le paquet de Kleenex rose s'inscrivait à tout coup dans cette énumération, encore que je ne sache pas bien à quel titre.
J'ai peu usage des mouchoirs en papier, étant rarement enrhumée et ne pleurant qu'à regret. Je vais donc garder cette pochette rose un certain temps avec moi. Je suis certaine de son pouvoir éblouissant. Je me réjouis de pouvoir la sortir au moment nécessaire. J'éprouve une réelle sympathie pour Denise Mathis, ce qui n'est pas toujours le cas pour les amis de mes amis.
Je me demande parfois si elle a de la sympathie pour moi. Je m'inquiète. c'est une folie que j'ai, de vouloir gagner la sympathie des gens. Il faut me voir au travail, je m'y prends comme un singe. J'imite, jamais en retard d'un sourire, jamais en retard d'une mimique. Pour me faire aimer, et laisser croire que j'aime, je suis capable de débauches d'empathie. Au fond, je me comporte comme une pécheresse accumulant les indulgences. Ayant beaucoup péché, il m'en faut en quantité. Elles plaideront pour moi, le jour venu. La sympathie des autres remplacera celle que je suis incapable de me porter. En attendant, je me vois des âmes soeurs partout où je passe.
PS: en écrivant le début de ce post, je n'ai pas réussi à m'empêcher de fredonner cette très jolie chanson de Jean-Jacques Goldmann, extraite de ce qui, pour moi, est son plus bel album "Entre gris clair et gris foncé":
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