mercredi 9 juin 2010

"Les déferlantes" de Claudie Gallay


En ce moment, quand je découvre un auteur qui me plaît, j'en fais une boulimie. C'est exactement ce qui m'arrive avec Claudie Gallay. C'est Patricia qui m'avait mis la puce à l'oreille quand elle a parlé des "déferlantes". Immédiatement, j'ai eu envie d'en savoir plus. Le roman, fraîchement sorti, était bien sûr sur-réservé à la médiathèque. Je me suis rabattue sur ses premiers romans: "Dans l'or du temps" et "Seule Venise". Grand bien m'en à pris. Ils sont remarquables.

J'ai toujours beaucoup de mal à expliquer ce qui me plaît dans un style, chez un auteur. Patricia le fait bien mieux que moi et j'aurais peur de copier ce qu'elle a dit du roman. Ici, je crois que ce sont les mots, mis un peu en vrac sur le papier, cette forme de spontanéité, qui me séduisent. Les personnages torturés aussi, comme chez Gavalda, je suis d'accord. Mais je dois être une grande sentimentale et le pouvoir de Claudie Gallay de me faire vivre, vibrer comme ses personnages est très grand. Un signe ne trompe pas. Quand Jolie Princesse me réveille, par un cri, un pleur (elle parle assez dans son sommeil!), il faut que je me fasse violence pour ne pas ouvrir ses romans, quelque soit l'heure de la nuit. Je suis happée par ses romans.

"Les déferlantes" ne fait pas exception et ses 525 pages ne m'ont pas fait peur. A la fin, je crois que la houle et l'iode entraient dans notre maison, au fond de l'Alsace! Mais ce sont les personnages secondaires qui ici donnent la puissance au récit. D'ailleurs secondaire est mal choisi. Annexe serait plus judicieux tant chacun a son importance. Faites le disparaître et plus rien n'aura la même saveur. La Cigogne, Max, Monsieur Anselme. Et puis la mer avec son lot de marées, vents, grisailles. Son atmosphère imprègne chacun et sa présence envoûte. Dans "Seule Venise", la ville et la lagune ont le même rôle pillier de l'histoire. Page 18, elle plante le décor.




Ça a duré des heures, un déluge effroyable. A ne plus savoir où était la terre et où était l'eau. La Griffue tanguait. Je ne savais plus si c'était la pluie qui venait cingler les vitres où si c'étaient les vagues qui montaient jusque-là. Ça me donnait la nausée. Je restais, les cils contre les carreaux, mon haleine brûlante. Je m'accrochais aux murs.

Sous la violence, les vagues noires s'emmêlaient comme des corps. C'étaient des murs d'eau qui étaient charriés, poussés en avant, je les voyais arriver, la peur au ventre, des murs qui s'écrasaient contre les rochers et venaient s'effondrer sous mes fenêtres.

Ces vagues, les déferlantes.

Je les ai aimées.

Elles m'ont fait peur.

Il faisait tellement nuit. A plusieurs reprises, j'ai cru que le vent allait arracher le toit. J'entendais craquer les poutres.

J'ai allumé des bougies. Elles fondaient, des coulées de cire blanche sur le bois de la table. L'étrange pellicule brûlante. Dans la lumière d'un éclair, j'ai vu le quai, il était inondé comme si la mer était remontée sur les terres et avait tout englouti. Il y a eu d'autres éclairs. Des éclairs, comme des barreaux. J'ai cru que ça n'en finirait pas.

Raphaël était dans son atelier, une vaste pièce juste au-dessous de ma chambre. Un plancher en bois nous séparait. Je l'entendais. Je pouvais le voir aussi, il suffisait de me coucher sur le sol et de coller mon oeil, un petit espace entre les lattes, sous le tapis, quelques millimètres.

Tout le monde disait qu'il était impossible de vivre ici, si près de la mer. Tellement près, on aurait dit qu'on était dedans.

Etait-ce le jour? la nuit? J'ai essayé de dormir. Il faisait trop chaud sous la couette. Trop froid en dehors. J'ai fermé les yeux. J'ai revu la tôle. Son ombre. J'ai entendu la voix de Lambert mêlée à la nuit, le crissement désagréable de la tôle. Le clic-clac de ma montre à mon poignet, tout ça s'est mélangé. Je me suis réveillé, je suais.

Le conduit du poêle traversait ma chambre, il chauffait l'air et ressortait par le toit. C'était un conduit en fer-blanc. La chaleur faisait vibrer le tuyau.

Raphaël marchait, on aurait dit les pas d'un fauve dans sa cage, c'est pour ses sculpture qu'il avait peur. Que du plâtre, de l'argile. Il disait qu'il suffisait qu'une vitre éclate pour que tout soit englouti.

Il bourrait son poêle de bûches comme si le feu pouvait faire reculer la mer.

Je l'entendais qui gueulait.

- Cette maison a tenu, elle tiendra encore!

Je me suis collée à la fissure. Il avait allumé les grands candélabres. Avec les statues, son atelier, on aurait dit une église.

J'ai regardé ma blessure, dans la lumière d'une bougie. La plaie était devenue sombre, presque mauve.

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3 commentaires:

Patricia Bonnard Sarrio a dit…

J'aime beaucoup le nouveau "look" de ton blog, il est gai, printanier, et donne envie de s'attarder. Quand aux Déferlantes... je suis d'accord avec toi sur la place des personnages secondaires et notamment, en filigrane du roman, Jacques Prévert.

Eléonora a dit…

Trop mimi la couleur de ton blog...j'adore l'effet pelouse. Je ne connais pas le bouquin...donc, éventuellement à découvrir !

Aneth and Co a dit…

@ Patricia et Eléonora: merci! j'avais envie de changer tout ça! il faut que je me remue, je vivote trop!

@ Eléonora: fonce sur ce livre, il est vraiment bien!