Voilà le roman que j'attendais. Après ma petite déception du weekend, j'ai comblée par l'écriture de Yasmina Khadra. J'avais bien sûr déjà entendu parler de cet auteur mais je n'avais jamais lu ses romans.
Je retrouve ce que je cherche dans un roman: une intrigue prenante, des personnages consistants, mais surtout un fond indénibale, une vraie réflexion sur les relations entre les hommes, sur notre Histoire contemporaine aussi. Car plus je lis, et plus je réalise que me touchent surtout les romans, et qu'au-delà des histoires qu'on me racontre, ce sont les messages explicites ou non que je recherche.
Ici l'énoncé est simple: Amine est israélien d'origine arabe. Il est chirurgien, parfaitement intégré et est marié à Sihem, qu'il aime par-dessus tout. Sa vie bascule le jour où un attentat est commis à Tel-Aviv. La kamikaze n'est autre que son épouse. Une quête s'amorce alors pour comprendre pourquoi il n'a pas vu quel était son combat, pour comprendre comment il a pu être floué ainsi. C'est d'abord une blessure d'amour puis d'amour propre. Et on se plaît à croire que le contexte n'est qu'un prétexte pour explorer un couple, avec ses complicités et ses secrets. Mais l'Histoire contemporaine nous rattrape très vite. Au final, aucune réponse n'est donnée mais la réflexion est ouverte. C'est un très beau cadeau que nous fait le romancier.
A noter aussi que la langue est très belle (le roman est écrit en français, l'auteur est algérien) ce qui ne gâche rien.
L'extrait suivant se situe au milieu du roman. Amine interroge un proche et veut comprendre pour quel combat sa femme est morte, lui dont le métier est de sauver des vies.
-Pourquoi? grommelé-je, vexé par mes propres propos, pourquoi sacrifier les uns pour le bonheur des autres? Ce sont généralement les meilleurs, les plus braves qui choisissent de faire don de leur vie pour le salut de ceux qui se terrent dans leur trou. Alors pourquoi privilégier le sacrifice des justes pour permettre aux moins justes de leur survivre? Tu ne trouves pas que c'est détériorer l'espèce humaine? Que va-t-il en rester, dans quelques générations, si ce sont toujours les meilleurs qui sont appelés à tirer leur révérence pour que les poltrons, les faux-jetons, les charlatants et les salopards continuent de proliférer comme des rats?
-Amine, je ne te suis pas, là? Les choses se sont toujours déroulées de la sorte depuis la nuit des temps. Les uns meurent pour le salut des autres. Tu ne crois pas au salut des autres?
-Pas lorsqu'il condamne le mien. Or, vous avez foutu ma vie en l'air, détruit mon foyer, gâché ma carrière et réduit en poussière tout ce que j'ai bâti, pierre par pierre, à la sueur de mon front. Du jour au lendemain, mes rêves se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Tout ce qui était à portée de ma main s'est évanoui. Pfuit! que du vent... J'ai tout perdu pour rien. Avez-vous pensé à ma peine lorsque vous avez sauté de joie en apprenant que l'être que je chérissais le plus au monde s'était fait exploser dans un restaurant aussi bourré de gosses qu'elle de dynamite? Et toi, tu veux me faire croire que je dois m'estimer le plus heureux des hommes parce que mon épouse est une héroïne, qu'elle a fait don de sa vie, de son confort, de mon amour sans même me consulter ni me préparer au pire? De quoi j'avais l'air, moi, alors que je refusais d'admettre ce que tout le monde savait? D'un cocu! J'avais l'air d'un misérable cocu. Je me couvrais de ridicule jusqu'au bout des ongles, voilà de quoi j'avais l'air. De quelqu'un que sa femme trompait de long en large pendant qu'il se défonçait comme une brute pour lui rendre la vie aussi agréable que possible.
Je retrouve ce que je cherche dans un roman: une intrigue prenante, des personnages consistants, mais surtout un fond indénibale, une vraie réflexion sur les relations entre les hommes, sur notre Histoire contemporaine aussi. Car plus je lis, et plus je réalise que me touchent surtout les romans, et qu'au-delà des histoires qu'on me racontre, ce sont les messages explicites ou non que je recherche.
Ici l'énoncé est simple: Amine est israélien d'origine arabe. Il est chirurgien, parfaitement intégré et est marié à Sihem, qu'il aime par-dessus tout. Sa vie bascule le jour où un attentat est commis à Tel-Aviv. La kamikaze n'est autre que son épouse. Une quête s'amorce alors pour comprendre pourquoi il n'a pas vu quel était son combat, pour comprendre comment il a pu être floué ainsi. C'est d'abord une blessure d'amour puis d'amour propre. Et on se plaît à croire que le contexte n'est qu'un prétexte pour explorer un couple, avec ses complicités et ses secrets. Mais l'Histoire contemporaine nous rattrape très vite. Au final, aucune réponse n'est donnée mais la réflexion est ouverte. C'est un très beau cadeau que nous fait le romancier.
A noter aussi que la langue est très belle (le roman est écrit en français, l'auteur est algérien) ce qui ne gâche rien.
L'extrait suivant se situe au milieu du roman. Amine interroge un proche et veut comprendre pour quel combat sa femme est morte, lui dont le métier est de sauver des vies.
-Pourquoi? grommelé-je, vexé par mes propres propos, pourquoi sacrifier les uns pour le bonheur des autres? Ce sont généralement les meilleurs, les plus braves qui choisissent de faire don de leur vie pour le salut de ceux qui se terrent dans leur trou. Alors pourquoi privilégier le sacrifice des justes pour permettre aux moins justes de leur survivre? Tu ne trouves pas que c'est détériorer l'espèce humaine? Que va-t-il en rester, dans quelques générations, si ce sont toujours les meilleurs qui sont appelés à tirer leur révérence pour que les poltrons, les faux-jetons, les charlatants et les salopards continuent de proliférer comme des rats?
-Amine, je ne te suis pas, là? Les choses se sont toujours déroulées de la sorte depuis la nuit des temps. Les uns meurent pour le salut des autres. Tu ne crois pas au salut des autres?
-Pas lorsqu'il condamne le mien. Or, vous avez foutu ma vie en l'air, détruit mon foyer, gâché ma carrière et réduit en poussière tout ce que j'ai bâti, pierre par pierre, à la sueur de mon front. Du jour au lendemain, mes rêves se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Tout ce qui était à portée de ma main s'est évanoui. Pfuit! que du vent... J'ai tout perdu pour rien. Avez-vous pensé à ma peine lorsque vous avez sauté de joie en apprenant que l'être que je chérissais le plus au monde s'était fait exploser dans un restaurant aussi bourré de gosses qu'elle de dynamite? Et toi, tu veux me faire croire que je dois m'estimer le plus heureux des hommes parce que mon épouse est une héroïne, qu'elle a fait don de sa vie, de son confort, de mon amour sans même me consulter ni me préparer au pire? De quoi j'avais l'air, moi, alors que je refusais d'admettre ce que tout le monde savait? D'un cocu! J'avais l'air d'un misérable cocu. Je me couvrais de ridicule jusqu'au bout des ongles, voilà de quoi j'avais l'air. De quelqu'un que sa femme trompait de long en large pendant qu'il se défonçait comme une brute pour lui rendre la vie aussi agréable que possible.
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